IMMORTAL
L'excentricité de Michael Jackson, l'imaginaire du Cirque
Dany Bouchard
28-08-2011 | 04h11
Michael Jackson aurait célébré son 53e anniversaire lundi. Personne n’a oublié sa façon de danser, sa musique, son excentricité et son univers bien à lui. À commencer par le Cirque du Soleil, qui baigne dans sa fantaisie, à cinq semaines de présenter l’un des spectacles les plus attendus de l’année.
Au siège social du Cirque du Soleil, dans le quartier St-Michel, un bruit sourd qui ressemble à un tremblement de terre fait vibrer les murs en un crescendo presque inquiétant. «Ils répètent Thriller en ce moment», signale Stéphane Mongeau avec un sourire en coin.
Producteur exécutif du spectacle Immortal, Stéphane Mongeau «lie la sauce», il est le leader du projet, «le point de chute» comme il se décrit lui-même entre la succession du chanteur et la direction du Cirque du Soleil.
«Les attentes sont immenses. On travaille ici avec une icône importante. (…
Autant pour le Cirque, autant pour les fans, je pense que les gens s’attendent à ce que l’on fasse (le spectacle) dans le respect de ce que Michael Jackson a créé au fil des années, qu’on ressente aussi le métissage entre les deux, qu’on sente que c’est un spectacle dont Michael aurait eu envie, qu’on aurait eu envie de faire avec lui, et qu’on le sente là avec nous.»
La première mondiale de Immortal aura lieu à Montréal, le 2 octobre prochain. En attendant, la pression se fait sentir.
«C’est une pression qui est quand même assez agréable, mais on sent de la pression. On est dans les derniers milles. Ce qu’il nous reste à faire, c’est de tout mettre ça ensemble, de s’assurer (de présenter) ce qu’on prévoit depuis un an et demi », résume M. Mongeau. Je me réveille avec les tounes, dit en souriant Chantal Tremblay, la directrice de création du spectacle.
«On travaille fort, mais en même temps on sent que les choses avancent. On se sent nerveux, c’est sûr qu’il y a de la pression. C’est un grand défi.»
UN CONCERT
Immortal ne sera pas un spectacle traditionnel du Cirque du Soleil. «Ici, ce qu’on voulait faire, c’est un spectacle-hommage. C’est un concert. Un concert vivant, la musique est le driver et la pièce-maîtresse», décrit Stéphane Mongeau.» «On crée un show en aréna. On crée un show dans la gamme des spectacles à la Madonna, dans ce déploiement-là», ajoute Chantal Tremblay.
La soixantaine d’artistes du spectacle (dont 12 musiciens) travaillent au spectacle depuis plusieurs semaines, certains depuis le printemps. Les quelque 25 danseurs de Immortal (aucun d’entre eux ne faisait partie de This is it) ont été recrutés à la suite d’auditions.
«On a fait des auditions pour les danseurs en France, à New York et à Los Angeles. J’ai rarement vu une équipe aussi excitée, aussi homogène que ça, même s’ils sont de 15 nationalités différentes », souligne M. Mongeau à propos du groupe d’artistes.
«Ils sont arrivés ici très prêts, surtout les danseurs évidemment. Ils connaissaient déjà les moves, les codes de Michael. (…
Les acrobates arrivent avec un background différent, mais même eux avaient appris leurs leçons avant d’arriver.»
LES CHANSONS RÉARRANGÉES
Au Cirque du Soleil, tout ce qui entoure la préparation de Immortal est top secret. Au rez-de-chaussée, la porte qui donne accès aux studios est surveillée par un agent de sécurité, assis devant une table où les artistes, techniciens et créateurs doivent sagement déposer leurs téléphones portables avant d’entrer. Mis en scène par Jamie King, Immortal permettra d’entendre plus de 50 chansons du défunt Roi de la pop.
«Jamie King a fait le choix des chansons avec le concepteur de la musique, Kevin Antunes. Après on en a parlé avec John Branca et John McClain (les représentants de la succession). On va entendre beaucoup de musique. On va entendre 50 ou 60 morceaux. On n’appelle pas ça un remix (des chansons) mais un réarrangement. On ne crée pas de nouvelle musique. On part de la musique existante. On a eu droit d’écouter tous les originaux, tous les masters, et même des pistes qui ont été développées, enregistrées, mais jamais utilisées, raconte M. Mongeau.
«On est allé dans la voûte de Sony. (…
Ils nous ont fait écouter des choses que pas grand monde a entendues. Il y a des choses assez étonnantes.»
Divisé en cinq parties, le spectacle n’aura rien de biographique, et l’ordre des chansons n’aura rien à voir avec leur année de production. «Ce sont des moments dans la vie de Michael ou des étapes dans sa carrière, confie Chantal Tremblay, en citant par exemple, «la période ghost, scary, Thriller».
Neverland: source d'inspiration
Longtemps, l’univers de Michael Jackson a été celui de Neverland, son ranch californien, à un peu plus de deux heures de Los Angeles. Avec Immortal, les fans pourront désormais se faire une idée de ce qu’était le refuge de leur idole.
«J’ai eu la chance d’y aller une première fois avec Daniel Lamarre, Guy Laliberté et les gens de l’estate (la succession)», commence Stéphane Mongeau. Sous le charme de l’endroit, il a eu l’idée d’y organiser la toute première rencontre entre les créateurs du spectacle.
«Je trouvais que c’était un point de départ extraordinaire parce qu’on a tous entendu parler de Neverland, de toutes sortes de façons», dit-il.
En parlant du ranch, le visage de Chantal Tremblay s’illumine. «C’était la meilleure place pour se rencontrer la première fois, pour inspirer une équipe complètement. (…
On a visité avec des gens qui ont travaillé avec Michael. On est arrivé de la même façon que Michael arrivait à Neverland: par hélicoptère. On rentrait dans un monde à lui. L’inspiration a été fantastique.»
Sur place, les créateurs ont pu échanger avec des employés du ranch. «Ils gardent cette place-là ; c’est magnifique, intact. Les fleurs… Ça n’a pas l’air abandonné du tout, du tout. Il y a moins de choses -la maison est vide quand même-, il n’y a pas de meubles en tant que tel, il n’y a plus rien. (…
Tu arrives dans sa salle où il dansait, tu le vo is, tu vois les scratchs sur le plancher où il dansait. Tu es là», raconte Mme Tremblay.
LA PIÈCE CENTRALE
À Neverland, les créateurs d’Immortal ont découvert le giving tree, un grand arbre où Michael Jackson avait l’habitude de passer du temps, sur une petite plate-forme. «On est monté dans l’arbre, le giving tree. Il y a plein de chênes de 300 et 400 ans autour, c’est magnifique, raconte Chantal Tremblay.
«Il a fait mettre des petits crochets et des petits clous pour monter sur cette plate-forme, le giving tree. Tu montes dans l’arbre, tu prends les mêmes steps que lui, tu t’assois sur la même plate-forme.»
Le giving tree occupera d’ailleurs une place importante dans Immortal. «Le giving tree est la pièce centrale, c’est notre point de repère, c’est notre point d’entrée dans Neverland. Après, le reste de l’histoire se passe aussi dans Neverland (…
dans cette fantaisie-là», précise Stéphane Mongeau, qui dit s’être aussi inspiré des statues de bronze dispersées sur l’immense terrain.
«Il y avait aussi sur son terrain, et ça c’est très cirque, de belles sculptures de bronze un peu partout. De Peter Pan, d’un équilibriste qui monte une échelle; ça fait très référence au cirque. Il y en avait un d’une famille sur un banc de parc. Toutes sortes de bronzes, comme ça, une vingtaine, facilement. Alors on s’est inspiré de ça. On va retrouver tout ça dans le spectacle.»
«Cette visite-là a été vraiment un départ d’équipe, ajoute la directrice de création. On est allé manger après et on était tous sur un nuage, on flottait, on était imbibé de quelque chose d’exceptionnel. On savait qu’on venait de vivre quelque chose d’exceptionnel, que pas beaucoup de personnes peuvent vivre.»
ILS VONT SENTIR LEUR PÈRE
Pour ses spectacles créés autour de l’oeuvre de Michael Jackson, l’entente lie le Cirque du Soleil à la succession du chanteur qui représente Michael Jackson et ses enfants, et non le reste de la famille. «On a des contacts avec certains membres de la famille (…
, mais le trava il principal se fait avec la succession, confirme Stéphane Mongeau.
«On a rencontré la mère une fois, Chantal et moi, mais on ne lui a pas présenté tout le spectacle encore.»
Selon lui, les enfants risquent d’être présents le soir de la première. «On espère qu’ils vont venir à la première, même avant. Ils sont toujours bienvenus», dit-il.
«On espère que les enfants vont être fiers. En même temps, ils vont sentir leur père, ils vont sentir toute la passion que Michael avait par sa danse, par sa musique et tout», estime Mme Tremblay.